Du côté de la librairie... Novembre 2022

C’est un récit intime et très touchant que nous livre Lola Lafon dans la collection « ma nuit au musée ». Le concept de cette collection est qu’un(e) auteur(e) invité(e) passe une nuit dans le musée de son choix afin d’y écrire parmi les œuvres. Le choix de Lola Lafon s’est alors porté sur le musée d’Anne Frank à Amsterdam. Lors de son séjour dans l’Annexe, lieu où Anne Frank a vécu recluse avec sa famille pendant de longs mois pour échapper à la Shoah, Lola Lafon nous offre un portrait d’une adolescente drôle, futile. L’écriture de son journal et les nombreuses retouches apportées peuvent la considérer comme écrivaine à part entière et c’est par cette trace qu’Anne Frank deviendra le symbole de l’oppression aveugle. Le croisement des destins entre Lola Lafon et Anne Frank ont permis à l’autrice de parler à cœur ouvert des réflexions qui l’animent mais aussi de sa judéité et ce qu’elle représente à notre époque. Une lecture bouleversante et qui vous donnera forcément envie de relire le journal d’Anne Frank.

C’est le récit d’un jeune homme qui revient en Bretagne dans la maison de sa grand-mère centenaire, maison de vacances où toute sa famille se retrouve chaque d’été depuis des générations. Il y retourne avec le recul de plusieurs années de pause, pour observer ce qui a changé en son absence mais surtout ce qui a continué à rester intact. Tout en observant les premières générations à le considérer non plus comme un cousin mais comme un oncle, il tente de reconnecter avec son enfance et ses souvenirs. C’est avec beaucoup de tendresse que l’on suivra ce protagoniste en vacances, dans ses réflexions sur le fait de prendre de l’âge, constater les différents mondes par lesquels nous passons tous. Un roman doux et contemplatif, sur les rapports humains, l’amour et la nostalgie.

C’est avec une grande subtilité et une acuité toutes particulières que Rachel Cusk nous invite à passer un été en huis clos avec trois couples dans La Dépendance. Le texte prend place dans un sublime marais à la nature foisonnante, qui est le théâtre de quelques rebondissements mais surtout d’un long questionnement sur l’existence et les relations humaines. On y suit tout particulièrement M, une ancienne autrice désœuvrée, et son compagnon Tony, qui ont invité en résidence sur leurs terres un mystérieux peintre du nom de L. Loin de lui apporter ce qu’elle en attendait, la présence de L, aussi insaisissable que toxique, n’a de cesse de renvoyer M à sa propre solitude et la pousse à une série de digressions existentielles aussi pertinentes que fugaces sur la vie, l’art, le regard des autres, l’accomplissement ou encore la quête de la vérité. Un délicieux voyage littéraire, aussi éclairant que questionnant, et rempli de fulgurances.

Ce livre se déroule comme une saga où l’on voyage entre trois époques. De Joséphine, enfant esclave en 1855, à Joséphine femme libre en 1924 jusqu’en 2017 avec Ava, sa descendante. Chacune va lutter à sa manière contre la ségrégation et le racisme. Chacune va tenter de s’élever et de protéger sa famille. A travers l’histoire de femmes fortes, Margaret Wilkerson Sexton alterne les époques sans jamais se perdre. Un texte puissant et intime sur la condition afro américaine et la sororité.

Premier roman de l’autrice néo-zélandaise Becky Manawatu, Bones Bay nous emporte avec autant de brutalité que de douceur aux confins de la violence sociale maorie. On y touche du doigt les blessures les plus vives, la cruauté et l’impunité de ceux qui se croient tout puissants et le poids accablant des secrets de famille. Mais on y rencontre surtout, la candeur pleine de grâce d’Ari et Beth, deux enfants qui luttent chaque instant pour préserver une part d’enchantement dans ce monde qui les a oubliés. Naviguant habilement à travers les époques et les points de vue, ce texte est un véritable puzzle, porté par un souffle d’espoir et d’amour qui brave les tempêtes les plus féroces. Un vrai choc.

Andreï Kourkouv a puisé l’inspiration pour ce nouveau policier historique dans les caisses d’archives de la Tchéka de 1919. Il nous emmène au cœur de la Kiev de cette époque, aux côtés de Samson, jeune détective improvisé à la solde de la nouvelle milice de l’armée rouge récemment installée en ville. L’ambiance y est tendue, tous les camps sont fatigués, la révolte ne tient qu’à un fil. Dans cette atmosphère, Samson devra résoudre sa toute première enquête. Alors que le temps est compté avant que la ville ne soit prise d’assaut par l’ennemi, cette épopée pleine de mystère le mènera toujours plus loin que prévu.

Neyef nous embarque dans un western violent, émouvant et terriblement captivant.  Georges un jeune Lakota, élevé en parfait américain par le pasteur de la réserve, va voir son destin basculer le jour où il rejoint de force une bande de trois justiciers. Au contact de Little Knife, No moon et Sully, le jeune indien va redécouvrir ses racines oubliées et devenir Hoka Hey. Ce récit est accompagné d’un travail graphique fait d’un jeu d’ombre et de lumière très maitrisé et de traits fins sublimant ainsi les paysages et les personnages. Brillant