Du côté de la librairie... Mars 2023

500 pages et 11 minutes à tenir avant le drame : c’est la promesse sur laquelle s’ouvre cet habile chassé-croisé entre passé et présent dans l’intimité de Leo et Simon, jeune couple bruxellois. Tout bascule un soir où Simon rentre de soirée tatoué et méconnaissable. Le constat est sans appel : il est victime d’un trouble psychiatrique et sombre chaque jour un peu plus dans la folie. Ses crises et épisodes paranoïaques nous sont retransmis en détails avec une tendresse et une ironie qui ne laissent jamais de place au pathos et nous placent en empathie totale avec Leo, narratrice dévastée mais jamais découragée par sa double mission : retrouver son amoureux et empêcher le drame. Avec douceur, humour et une sincérité parfois crue qui déborde de justesse, Lize Spit nous donne à voir le meilleur et le pire de la psyché humaine.

Après Encabanée et Sauvagines, Gabrielle Filteau-Chiba termine avec Bivouac son triptyque sauvage au cœur de la sublime flore du Kamouraska, au Québec. On retrouve avec plaisir les personnages d’Anouk, Raphaëlle, Riopelle et Lionel, réunis autour d’un nouveau combat : empêcher la construction d’un oléoduc qui menace de raser la forêt. Avec passion, lyrisme et un ton à la fois intime et politique, l’autrice réussit le pari d’utiliser la fiction comme appel à mobilisation. Un bel éloge de l’action collective, qui nous rappelle l’urgence de vivre et de défendre toutes les formes de vie qui nous entourent.

Sur une île un peu isolée de Suède, le duo d’enquêtrices Sanna et Eir vont être convoquées pour leur première affaire ensemble afin de constater la mort d’une jeune fille, Mia Askar, retrouvée noyée dans un lac. Tous les signes portent à croire que c’est un regrettable suicide et l’affaire aurait pu être rapidement close. Cependant quelques jours plus tard Marie-Louise Roos, riche retraitée de l’île est retrouvée très violemment assassinée, et son mari en fauteuil roulant disparu. D’apparence, rien ne lie ces deux cas, c’est d’ailleurs le point de vue de ses collègues, pourtant Sanna ne parvient pas à se détacher de la ferme intuition que quelque chose de beaucoup plus grave est en train de se produire, sous leurs yeux… Un thriller plein de rebondissements, à l’intrigue efficace et aux personnages superbement construits, qui vous tiendra en haleine jusqu’au dernier chapitre. Glaçant.

Avec Harlem Shuffle, 1er tome d’une trilogie, Colson Whitehead nous plonge en plein cœur du quartier d’Harlem des années 60 aux côtés de Ray Carney, propriétaire noir d’une boutique de meubles sur la 125 ème rue, qui n’hésite pas à mener quelques petites magouilles pour arrondir ses fins de mois et ainsi nourrir l’espoir de loger sa famille dans un spacieux appartement ne donnant plus sur le métro aérien. S’évertuant à ne surtout pas ressembler à son père Big Mike, truand respecté de la pègre, son sort cependant bascule le jour où son cousin Freddie donne son nom pour participer au casse du célèbre hôtel Thérésa et que les plans foireux s’enchaînent. Mais c’est surtout le portrait d’une ville dans la ville, Harlem, vivant la nuit entre clubs d’élite pour notables noirs et arrière-cafés transformés en en tripots sordides, peuplés de flics corrompus, de prostituées et de dealers, qui s’embrase lors des émeutes raciales déclenchées par la mort d’un jeune afro-amériain par un lieutenant de police blanc. Un roman noir digne des grands auteurs américains.

Romain a 11 ans, bientôt 12. Préoccupé par le passage à l’adolescence qu’il voit arriver malgré lui, il compte bien profiter au maximum de sa dernière année à l’école primaire avec son institutrice préférée, Mademoiselle Sophie. Or, le jour de la rentrée des classes, cette dernière est méconnaissable : non seulement elle a pris énormément de poids, tant qu’elle a du mal à marcher et à respirer, mais son comportement aussi a changé et elle apparaît triste et isolée. Préoccupé pour sa santé, et avec les conseils de sa grande-sœur et confidente, Romain va choisir de mener l’enquête pour tenter de comprendre d’où pourrait lui venir ce mal-être. Il entame alors une plongée dans les problèmes d’adultes dont il n’avait pas conscience, les peines de cœur, les troubles de l’alimentation et tout ce qui les accompagne, la culpabilité sociale… Un passage initiatique sur l’acceptation de soi et des autres, qui l’aidera à affronter ses propres changements avec confiance. Une BD très douce qui se lit comme une fable.

Adieu Eri est le genre d’œuvre sur laquelle on aime tomber par hasard, entre l’ovni et la belle surprise. Car, avec ce tome unique, l’auteur de Chainsaw Man nous propose un manga qui sort vraiment de l’ordinaire. Plus contemplatif, très sensible, assez sombre dans le dessin comme dans les propos, et visuellement construit comme un film à plans fixes, il met en scène la vie assez malchanceuse de Yûta, jeune étudiant passionné de vidéo, dont la mère est gravement malade. Cette dernière lui fait la requête incongrue de la filmer en permanence, des dernières semaines de sa vie jusqu’à la fin, ce qu’il décide d’accepter, et pousse même l’idée jusqu’à en faire un film. C’est à partir de ce film que les choses vont dégénérer pour lui, et ce n’est que le tout début de l’histoire, car en révéler plus gâcherait les nombreuses surprises et rebondissements que nous réserve l’œuvre. Un super manga qui sort des codes, à mettre notamment entre les mains d’amateurs d’ouvrages insolites et/ou les passionnés de cinéma. À partir de 14 ans.

Un très bel album pour aborder avec les enfants la tristesse, la colère, la peur, l’incompréhension ou encore la joie : toutes ces émotions qui rythment nos vies et nous font parfois pleurer. Avec beaucoup de poésie et des dessins pleins de douceur et de tendresse, cet album est une invitation à mieux comprendre et accepter les petits et grands bouleversements qui font la pluie et le beau temps à l’intérieur de nous.
Un voyage onirique à découvrir à partir de 4 ans.