Du côté de la librairie... ETE 2023

Loin du rêve américain, c’est une plongée dans « le clapier », logement social d’une ville abandonnée par l’industrie automobile, qui nous est proposée par Tess Gunty. Et plus précisément dans la colocation de Tiffany, alias Blandine, et de trois jeunes hommes issus comme elle de familles d’accueil. Loin d’être seuls, c’est une véritable fresque sociale qui se déploie : un roman foisonnant, galerie de personnages à la fois atypiques et envoûtants. L’autrice alterne les points de vue, mélange les styles et les thématiques avec brio pour aborder le capitalisme, l’amour, les traumas, le patriarcat ou encore les jeux de pouvoir et de domination. Un grand roman, surprenant et fascinant, magnifiquement traduit par Jacques Mailhos.

Avec ce nouveau texte passionnant enrichi de photographies en noir et blanc, François-Henri Désérable redonne vie à l’un des plus célèbres récits de voyages de ces dernières décennies : L’usage du monde, de Nicolas Bouvier et Thierry Vernet. 70 ans plus tard, fin 2022, l’auteur traverse le pays de part en part comme ses prédécesseurs et interroge les révoltes en cours et les répercussions du mouvement Femme, Vie, Liberté au sein de la société. Une virée politique, parfois drôle et toujours remplie d’humanité auprès d’un peuple à la fois immensément libre et captif d’un régime liberticide et assassin.

Une plongée au cœur des hautes sphères de la Renaissance italienne. On y suit Alessandro Farnese dans son ascension, rêvant dans sa jeunesse de gloire et de faits de guerre héroïques, son destin prendra très rapidement une autre tournure, toute aussi éblouissante. Une magnifique fresque de vie aux personnages attachants, où l’on a plaisir à évoluer dans les cours d’immenses figures de l’Histoire tels que Laurent de Médicis ou Rodrigo Borgia. Une lecture fluide et addictive, hautement agréable.

Lauréat du Prix du Monde 2022 et du Prix du Livre Inter 2023, Attaquer la terre et le soleil aborde l’histoire de la colonisation de l’Algérie par la France au 19^ème siècle. Deux voix s’élèvent et se mélangent pour devenir un souffle d’une intensité rare : celle d’une femme désemparée qui tente de survivre dans une colonie agricole frappée par la misère et le choléra, et d’un soldat membre d’un escadron « pacificateur » aux ordres d’un capitaine assoiffé de chair et de sang. Quasiment dépourvu de ponctuation, ce texte est un diamant brut d’une beauté aussi violente que poétique. Une orgie sans fin de cruauté et d’effroi pour dénoncer la frénésie des Hommes.

C’est la fin de l’été dans un petit village de montagne où en une nuit les océans sont montés de huit cent mètres. Passés le choc et la tristesse, il faut continuer et inventer de nouvelles manières de vivre. Mise en commun des ressources et des savoirs, confrontation des idées, l’isolement complique certains approvisionnements, mais se révèle une chance dans les ambitions de nouveaux fonctionnements du village. Au fil du carnet de bord du botaniste, devenu conversation épistolaire avec la médecin, les espoirs, les échecs, les peurs et les merveilles défilent.

Cette contre dystopie de Pierre Lieutaghi dans la belle collection Domaine du possible nous offre la possibilité de penser un monde nouveau. Une réinvention du genre post-apocalyptique, pleine d’espoir pour remettre en question tous nos modèles destructeurs. 

Envie de philosopher cet été ? Laissez-vous porter et partez pour un délicieux voyage en compagnie de Cynthia Fleury à la rencontre de Vladimir Jankélévitch. De courts et percutants chapitres vous feront découvrir la pensée de ce philosophe de l’instant et de la liberté, qui vous enjoint à mettre de côté tout ce que vous étiez en train de faire afin de ne pas « manquer votre unique matinée de printemps ». Un texte à la fois stimulant et accessible, qui aborde des thématiques telles que l’ennui, la nostalgie, l’amour ou encore l’humour pour permettre à votre esprit de vagabonder librement sous le soleil. 

Quatre amies, à l’aube de la quarantaine, décident de réaliser le projet collaboratif qu’elles ont imaginé lors d’une soirée bien arrosée. Pisse-mémé, café associatif, lieu de yoga à ses heures ou de rencontres est avant tout pensé comme un refuge chaleureux où chacun se sent accueilli. Une histoire abordant de façon légère les questions très actuelles de la sororité, du burn-out personnel et professionnel. Le trait de Cati Baur doux et coloré et les dialogues espiègles permettent de s’attacher aux personnages, donnant presque l’envie d’aller boire un verre avec elles. Un petit bonbon pétillant à savourer.