Du côté de la librairie... Janvier 2025

Comment accueillir sa part de démon sans qu’elle nous envahisse ? Voici la question posée par Constantin Alexandrakis dans cet OVNI littéraire au style aussi percutant qu’inclassable. En bref, il s’agirait de comprendre le lien entre la dépression « post-partum » de l’auteur et les abus sexuels qu’il a subis dans son enfance. Comment être un bon père de famille quand la paternité réveille en nous des envies de saccage et ravive les traumatismes les plus profonds ? Depuis un Danemark imaginaire, l’auteur nous emmène pour un voyage glaçant dans les archives de pedoland, afin de cartographier le Grand Continent des Violences Sexuelles et d’exorciser le Mal. Se dessine au fil des pages, à grands coups de free fight, de métal et de typos fracassantes, un texte-testament d’un immense courage, qui dit la violence des hommes et la peur de devenir la menace un jour subie.
Rencontre avec l’auteur vendredi 28 février à 19h.

Attachée à sa terre natale, Lucia n’a jamais quitté son village des Abruzzes malgré l’horrible crime horrible perpétré 30 ans plus tôt qui a secoué ses proches et toute la contrée. Aujourd’hui, à l’heure du confinement, sa fille Amanda, étudiante à Milan, décide subitement de revenir s’installer chez elle. Murée dans le silence et ne quittant pas sa chambre, Lucia doit affronter les souffrances de sa fille et ses souvenirs enfouis, chacune demeurant dans l’ignorance des tourments et drames subis par l’autre. Un texte intime entre passé et présent, où l’autrice explore avec délicatesse la complexité des relations familiales, amicales, celles qui fragilisent l’existence. Doublement récompensé par le prix Strega et Strega Giovanni en Italie, équivalent du prix Goncourt et Goncourt des Lycéens en France.

S’il y a une question que vous vous poserez en lisant ce livre c’est : « mais qu’est-ce que je suis en train de lire ? »
Encore une fois, Liu Cixin s’amuse à repousser les limites de la littérature fantastique. Le postulat est simple : si une forme d’intelligence était née au temps du Crétacé, pour ne durer que quelques milliers d’années avant de s’effondrer, nous n’en saurions probablement rien aujourd’hui. C’est ainsi qu’il va imaginer l’ascension fulgurante et simultanée de deux civilisations, celle des Dinosaures et celle des Fourmis, alliées et interdépendantes.
Un récit passionnant d’imagination, qu’on lit avidement jusqu’au bout par soif d’aventure, ou ne serait-ce que par curiosité de savoir jusqu’où cela peut-il bien nous mener. À partir de 16 ans.

Une anthologie poétique traduite de l’arabe, d’un homme qui est poète mais aussi un éminent traducteur et essayiste. Composé en trois parties, ce recueil nous livre dans l’ordre, des souvenirs d’enfances nostalgiques ou chaleureux, réels ou fantasmés, dans les campagnes d’Irak. Viennent ensuite des écrits plus durs, témoignages d’une vie d’exil, de solitude, des raisons évidentes qui l’ont poussé à fuir mais aussi d’un certain mal du pays. La troisième partie, traduite par l’auteur lui-même, vient brillamment conclure cet ouvrage avec une réflexion sur cet exil qu’il a été forcé d’apprivoiser, et ce que cela lui a apporté de richesse et d’expérience, malgré la peine et le désespoir. Un recueil sublime, avec une plume qui reste accessible au plus grand nombre.

Ce roman graphique est une autofiction à la fois drôle et touchante, d’un auteur en panne d’inspiration dans un monde qui fait de moins en moins sens. Projeté dans un futur pas si lointain, Luke Healy est perdu. Et franchement, plus il se cherche, moins il se trouve. On ne peut pourtant pas lui reprocher d’y mettre de la mauvaise volonté, il va même jusqu’à s’enfermer dans un hôtel pour lire et écrire une compilation des livres de développement personnel les plus en vogue afin d’en extraire des solutions essentielles. S’étalant sur une vingtaine d’années de sa vie, ce récit parodie l’absurdité de ce à quoi s’accroche notre société capitaliste tandis que tout s’effondre autour de lui, et le décalage est aussi drôle que désespérant. Génial !

Shin zéro, premier tome d’un récit en trois épisodes, est un hommage appuyé aux séries de tokusatsu tel que les Power Rangers. Tout en noir et blanc, la couleur est uniquement utilisée pour les costumes en lycra de nos héros. Les super sentai ont eu leur âge d’or en vainquant les kaijus, mais à l’heure actuelle, ils sont relégués à accomplir des missions plus ou moins absurdes à l’issue desquelles ils seront notés via une application. Warren, Nikki, Héloise, Satoshi et Sofia ont chacun leur raison de revêtir le costume de justicier et tentent malgré eux de trouver une place dans ce monde désenchanté où les héros ont disparu. Du désespoir et de l’émotion dans ce premier tome qui donne juste envie de retrouver cette bande de copains dans le prochain épisode !

Dix ans après La Passe miroir, Nous, le nouveau roman de Christelle Dabos nous plonge dans un univers dystopique où tout le monde a un instinct contre lequel il ne peut lutter (réparer, soigner, écouter ou protéger). Toutes et tous l’utilisent pour le bien du « Nous », c’est-à-dire pour le bien commun devant lequel l’individuel s’efface. Dans cet État totalitaire, contester les choix du Nous revient à commettre un blasphème. Goliath et Claire, les deux personnages principaux y sont pourtant obligés, brisant les murs imposés par leur Instinct et développant leurs personnalités propres et attachantes.
Un roman complexe mais passionnant qui mêle action, aventure, polar, et une pointe de science-fiction rétro. A partir de 15 ans.