Du côté de la librairie... octobre 2024

« À tout le moins, nous disons : eux, les animaux ; nous, les humains afin que demeure la frontière qui sépare l’animalité de l’humanité. »

Avec ce nouvel essai brillant, Kaoutar Harchi redessine les contours philosophiques de la grande question de la nature et de la culture. Après avoir nommé l’animalisation des animaux, cette infériorisation créée de toutes pièces par l’Homme pour mettre à distance et, en toute impunité, contrôler et tuer ; l’autrice va plus loin et dénonce l’animalisation de certains humains. Ainsi, tout comme pour les animaux, il est le sort de certains humains de n’être pas reconnus dans leur intégrité, d’être chaque jour ces autres, et puisque autres, d’être moins, et puisque moins, d’être encagés, de quelque manière que ce soit. C’est cette expérience-là, cette réduction à « des entités passibles d’usage, d’usure et d’abus » qui est le pain quotidien, non seulement des animaux, mais également de certaines minorités. Dès lors faudrait-il, pour briser nos chaînes, faire s’effondrer notre vision du monde toute entière.
Un plaidoyer fervent et habité pour l’abolition de toutes les formes de domination.

Devenue adulte, Olive se remémore son enfance et sa relation fusionnelle avec son frère David, jusqu’à la nuit où tout a basculé l’année de leurs dix ans. Avec innocence et poésie, elle nous raconte la lente descente aux enfers de son alter-ego, ce frère qu’elle seule comprend. Prisonnier de lui-même et de ses émotions, l’enfance de David est un huis-clos quasi permanent, rythmé par des crises de colère et d’incompréhension. Avec tendresse et affection, Abigail Assor réussit le pari de nous faire voir le monde à travers les yeux pleins de douleur et d’espoir de David, et de tous ces autres qu’on a préféré qualifier de fous à défaut de nommer la vraie folie de la normativité. Un texte poignant sur celles et ceux qui rêveraient, simplement, d’habiter le monde à leur façon.

Dans ce roman percutant, Mathieu Palain nous offre le récit vrai de Jessie dont le destin ne cesse de lui échapper : la quarantaine, prof de maths ordinaire plus vraiment motivée, un couple au bord de l’implosion et surtout un fils, Marco, 15 ans devenu totalement ingérable… Après une énième fugue, ce dernier l’appelle en pleine nuit. Il faut que sa mère vienne le chercher de suite, c’est urgent il a besoin d’elle. Devant la gravité de la situation, Jessie comprend que son fils a basculé dans la violence et que plus rien ne sera comme avant. Durant toute la nuit, elle ne peut se résoudre à rentrer alors elle roule elle roule… avec pour seul but de parler et tenter de libérer les épreuves et les violences des hommes qu’elle a subies. Haletant, abrupt et terriblement bouleversant.

Un roman historique qui rend hommage à l’éminente Gertrude Bell, femme politique de la fin du 19^ème siècle, exploratrice, diplomate, espionne, écrivaine, archéologue… Nommée « secrétaire orientale » au service du Royaume-Uni, elle est notamment connue pour avoir été chargée de dessiner les contours de l’Etat irakien sous mandat britannique. Cette biographie romancée, en plus de rendre justice à cette femme trop vite oubliée, coche toutes les cases d’un bon roman d’aventure. Il nous embarque aussi bien au cœur de la guerre à la rencontre des grandes figures historiques que dans la contemplation des paysages, les voyages en train, la découverte de nouvelles cultures avec une passion qui nous est transmise à coup sûr. Génial !

Une bande dessinée documentaire édifiante sur le « papatriarcat », ou comment nous sommes passés à côté de bien faire les choses. On y suit deux pères de famille qui, sur la route du retour des vacances, alors que leurs femmes sont écroulées de fatigue sur la banquette arrière, tombent sur un podcast qui dresse les inégalités de la répartition de la charge mentale en vacances au sein des couples, et qui pointe notamment le fait que les « nouveaux pères » sont principalement engagés dans les actions ludiques ou gratifiantes socialement, et laissent aux mères les charges ingrates. C’est pour eux une remise en question, mais également le point de départ d’une grande enquête au cœur des problématiques de la place de l’homme dans le couple hétérosexuel. Un ouvrage écrit pour essayer d’ouvrir les yeux tous ensembles sur ces injustices, avec l’objectif de faire mieux pour mieux vivre ensemble.

Après La couleur des émotions, Anna Llenas publie ce nouvel album d’une grande profondeur. Par ses douces illustrations, elle nous transmet l’importance d’avoir conscience de notre joyau intérieur, cette chose si pure au fond de nous, qui fait ce que nous sommes, et que l’on a tendance en grandissant à taire ou à sacrifier pour se conformer aux autres, à la société. En avoir conscience, c’est la première étape pour mieux écouter ses besoins et préserver notre joie de vivre. Un album pour les enfants à partir de 3 ans qui parlera tout aussi bien aux adultes qui leur liront. À mettre entre le plus de mains possible.

Chaque album de Fanny Ducassé est un petit bijou de délicatesse, de poésie et c’est avec joie que l’on retrouve ici les illustrations fourmillantes de détails de cette illustratrice que l’on affectionne tant. M. Henri, blaireau solitaire, est heureux d’entrer dans sa saison préférée l’automne, prêt à rêvasser en forêt, à ralentir et à se délecter des couleurs orangées. Mais cette année, la saison aura une saveur particulière, une amoureuse secrète lui a glissé sous sa porte une lettre d’amour. Le début d’une jolie correspondance où M. Henri va y glisser ses nouvelles recettes automnales et tenter de découvrir qui lui fait chavirer le cœur. Délicieux à souhait avec en bonus 6 recettes réconfortantes à partager en bonne compagnie !