Du côté de la librairie... Février 2025

Un texte hors norme. Fin maillage entre le récit de Zoé, une acrobate qui, petite fille, était empêchée de filer droit dans la vie par son oncle aux mains baladeuses, obligée de ruser et d’inventer tours et détours pour lui échapper ; et les réflexions de l’autrice, ses pertinentes divagations, ses propositions pour avancer sans regarder en arrière. Un récit dans lequel on progresse comme dans une thérapie, phrase après phrase, en prenant soin de s’arrêter sur le sens des mots employés. Rythmé par une implacable énumération, ce livre défoule.

Après La papeterie Tsubaki et La république du bonheur, on retrouve avec grand plaisir le quotidien familier de Hatoko, écrivaine publique à Kamakura. Si les fameux gâteaux réconfortants “sablés-pigeons” et le camélia fleuri de la boutique font toujours partie du décor, près de huit années se sont écoulées et Hatoko, devenue mère de famille, est confrontée au temps qui passe et à l’impermanence des choses. À force de se glisser dans la peau des autres pour écrire les lettres qu’on lui commande, et après avoir endossé le rôle d’épouse et de mère, elle semble avoir besoin de se retrouver…
Avec toujours autant de délicatesse et d’attention portée aux détails de l’instant présent, Ito Ogawa laisse de côté la pudeur des premiers tomes pour nous emmener plus loin dans l’intimité de son personnage, avec une franchise revigorante !

On dit de ce petit bijou poético-queer qu’il est le King Kong théorie des temps présents, mais Alex Tamécylia n’a rien à envier à Virginie Despentes (malgré tout l’amour et le respect qu’on lui porte !). À mi-chemin entre la scie sauteuse et la dentelle, entre charge explosive, humour misandre et poésie flamboyante, se dresse au fil des pages un texte unique, d’une immense qualité littéraire. On le lit presque en transe, à voix haute si possible, pour laisser la colère, presque jouissive, monter en nous ; ainsi que la joie, inestimable, d’avoir trouvé quelqu’un pour si bien la nommer. 

Marie Dupont, Saliou, Hervé, María, Marie Cosnay : tous les 5 forment les maillons d’une chaîne d’espoir qui lutte pour la dignité humaine. “On n’est pas une entité constituée, dit Marie. On est juste des gens. Des gens qui sont d’accord pour dire que la disparition de personnes est quelque chose de grave.” En première ou en deuxième ligne des routes de l’exil, ils se sont organisés pour agir : ils écoutent, interpellent, relaient, recherchent, enterrent… Ils sont un pont entre deux mondes, entre les familles et les disparus. Et “avec un smartphone et les réseaux sociaux, ils réussissent là où les institutions échouent.” C’est leur témoignage indispensable que Taina Tervonen nous rend ici visible. À travers leurs voix, la journaliste nous embarque au plus près d’un réel trop peu documenté, dans “les archives du temps présent”, “pour que les chiffres se transforment en chair et en os, pour que chaque numéro devienne un être humain qui manque à d’autres êtres humains.”

Après la crise de la quarantaine dans Pisse-Mémé, Cati Baur croque avec malice le sort que réserve la société aux femmes de 50 ans : l’invisibilité. Marcie, déjà victime des bouffées de chaleur et de la vue qui baisse, doit digérer la perte de son emploi de la part d’un patron qui ose lui rendre « sa liberté ». Après l’enchainement de boulots précaires et poussée par sa fille, Marcie, forte de son bagout, va franchir la porte d’une agence de détective pour y décrocher un stage. Pas tout à fait Sherlock Holmes mais le début d’une nouvelle vie où elle ose être enfin elle-même laissant toute sa fantaisie se déployer. Un petit bijou graphique drôle et touchant à découvrir absolument !

Après la lecture de cette bande-dessinée, la vie des chauves-souris n’aura plus aucun secret pour vous. Mêlant avec brio humour et vulgarisation scientifique, elle nous rappelle à quel point apprendre peut-être un plaisir. On y suit Jean-Pierre le petit rhinolophe (une espèce de chauve-souris) qui, à force de traîner autour de Laurent Tillon et ses partenaires, a fini par être suffisamment instruit sur ses cousines et lui-même pour nous en faire une dissertation. Cette bande dessinée aux magnifiques illustrations vous donnera certainement l’envie d’améliorer la cohabitation avec ces mal-aimées. Passionnant.

Nous ne sommes visiblement pas les seuls fans de cet adorable et courageux chevalier chouette : il semblerait que Petite Oiselle rêve de lui ressembler et de devenir à son tour une chevalière. Mais du haut de ses petites pattes fines comme des brindilles, ce nouveau personnage pétillant a peut-être un peu trop d’énergie pour notre ami, qui a du mal à suivre le rythme de son enthousiasme débordant dès le matin…
Un vrai bonheur de retrouver la douceur des pages illustrées par Christopher Denise et sa touche d’humour qui rend, de nouveau, cette aventure irrésistible (pour les petits comme pour les grands) !