Du côté de la librairie... Janvier 2024

L’ultime roman de Russell Banks est une plongée historique très immersive, à la fin du 19^e siècle en Floride, au sein de la communauté des Shakers, secte utopique chrétienne. Leurs valeurs sont bienveillantes, altruistes. Harley, le narrateur est un homme âgé qui nous raconte son enfance et la découverte de sa nouvelle vie (forcée) parmi eux lorsqu’il avait 12 ans. Et comment, au fil du temps, l’admiration pour ces honnêtes gens laissera place au doute… Tout était-il vraiment aussi bienveillant qu’il y paraissait ? Une lecture captivante, riche en descriptions, qui ravira les amateurs et amatrices de romans historiques.

Dans Fabriquer une femme, Marie Darrieussecq interroge avec une acuité espiègle le passage de l’adolescence à l’âge adulte. On y retrouve Rose et Solange, deux héroïnes récurrentes de son œuvre, meilleures amies depuis l’enfance. Rose, d’un côté, l’élève modèle au grand cœur, la romantique incurable, portée par une famille aimante et aisée. Solange, de l’autre, la gamine sombre et solaire à la fois, insubordonnée, brisée dans son élan par une grossesse fortuite. On découvrira alors leurs doutes, leurs rêves, l’exploration de leurs désirs et la construction de leurs identités de femmes dans une société où les hommes règnent. Tout en croisant deux destins que tout semble opposer, l’autrice évite habilement l’écueil d’un manichéisme simpliste grâce à des personnages complexes sublimés par leurs aspérités. Le portrait juste et sans ménagements de toute la génération 80, dépeint avec une urgence parfois foudroyante.  

Un roman haletant qui n’a pas peur de mélanger les codes, à la fois roman social, thriller et bien sûr un peu de romance comme le titre le présage. Bastien, inspecteur du travail, doit livrer ses conclusions sur la mort suspecte d’un homme dans une compacteuse à déchets recyclés. Maia, journaliste scientifique, compte sur sa tante chercheuse au CERN pour relancer sa carrière en lui accordant une interview sur les cristaux scintillateurs produits en laboratoire. Deux personnages attachants en proie aux doutes, écorchés vifs qui se croisent sans se connaître et qui se retrouveront mêlés malgré eux dans une histoire rocambolesque.  Un roman feuilleton qui pointe les travers de notre société et du capitalisme où l’humain passe toujours derrière le profit. Prenant.

À la manière d’Emmanuel Carrère et son très célèbre Adversaire, Sonia Kronlund nous propose avec L’homme aux mille visages une plongée fascinante sur les rives du mensonge.

Ricardo est un imposteur de haut vol. Il mène en parallèle des existences multiples, dans différents pays, sous des noms, métiers et personnalités variées. Après cinq ans d’enquête, des entretiens auprès des femmes de ses vies et l’aide de détectives privés folkloriques, l’autrice et productrice du podcast Les pieds sur terre sur France Culture esquisse le portrait évanescent d’un insaisissable bonimenteur.

Un roman d’une grande fraîcheur, l’histoire de deux Bulgares, ces «  filles de l’est  » comme on aime les appeler en France, exilées à Lyon. L’une est étudiante en cinéma, d’un optimisme à toute épreuve. Elle bute sur les mots, la complexité de notre langue, s’en amuse, jongle avec eux. L’autre est prostituée, engagée, désenchantée à raison. Chacune lutte à sa manière pour sa liberté. Un roman touchant, au ton décalé et construit de manière très originale, pour nous faire vivre en compagnie de ce duo improbable la vie des demandeurs d’asile et les difficultés, parfois absurdes, auxquelles ils doivent faire face.

Depuis toujours, Jean-Patrick Boulard, concessionnaire automobile à la ZAC Saint Pierre le Caillou, fait tout pour être un homme, un vrai. Comme le lui a toujours sermonné son père, être un bonhomme, c’est avant tout ne pas se laisser faire par les gonzesses, et en cas de pépin, penser à toujours sortir la boîte à couilles. Alors qu’un mystérieux virus fait chuter le taux de testostérone dans le monde et menace d’anéantir la virilité, Jean-Pat se retrouve bloqué le cul entre deux chaises : accepter la vague d’émotions qui le submerge et déconstruire sa masculinité, ou bien rejoindre le front viriliste qui commence à s’ériger pour lutter contre le matriarcat pharmaco-lesbien. Une satire complètement décalée, parfois grotesque, mais toujours hilarante et superbement illustrée sur les masculinités d’hier et de demain. 

Sa mère devant être hospitalisée pour dépression, Rio n’a pas d’autre choix que de partir vivre chez sa grand-mère en Californie. A 8000km de chez lui, avec une grand-mère qu’il connaît à peine, Rio sombre dans la tristesse et la solitude. Mais une rencontre peut tout changer… ou peut-être deux ? Celle de Marina, jeune fille vivant avec son père sur un bateau dédié aux excursions d’observation des baleines, va lui redonner le sourire ; mais plus que tout la rencontre avec Bec Blanc, la baleine grise mythique de la région, va lui donner les armes pour tenter de faire réagir sa mère. Un texte délicat à mettre dans les mains de tous les jeunes épris de nature et d’aventure. A partir de 9 ans