Dimanche 13 décembre 2015, 12h02

Ces vendredi et samedi, nous avons donc retrouvé le Channel tel qu’il vit les soirs de spectacle. Nous savions qu’il nous fallait le faire. En avoir envie, en avoir la force étaient moins d’évidence. Nous l’avons fait. Ce qui s’y est dit et ce qui s’y est échangé fut une étape nécessaire et sans doute fort utile pour l’avenir. Nous vous dirons dans quelques jours ce qui se profile, pour ce qui est de l’activité du Channel, à l’horizon des prochains mois.

Mercredi 9 décembre 2015, 23h17

Aujourd’hui, nous avons continué nos visites aux blessés, comme nous l’avons fait hier, et comme nous poursuivrons demain. Une psychologue de la Médecine du travail est venue tout le matin pour écouter chacun dans une grande réunion collective. Ce qui s’est dit appartient à l’intimité de l’équipe et à elle-seule.

Nous avons reçu également un appel d’Olivier Poubelle. Olivier Poubelle est une personne élégante, d’une grande finesse, d’une grande intelligence, pour qui nous avons un immense respect (c’est Francis Peduzzi qui écrit). Il y a quelques années maintenant, c’était le début des années 2000, nous avions organisé ensemble la résidence mémorable des Têtes raides dont il était le tourneur avec sa société Astérios. Nous nous voyons rarement, nous nous écrivons sans doute encore plus rarement, mais nous savons l’un et l’autre ce que nous entreprenons là où nous sommes. Il est directeur de théâtres. Au pluriel parce qu’il dirige plusieurs salles. Nous avions nous-mêmes pensé la nuit dernière à lui faire signe pour nous voir à Paris, s’il en avait le temps.
Comme tant d’autres, il venait aux nouvelles. La différence, c’est que lui entrevoit très bien les étapes et les états par lesquelles nous passons. Il a vécu bien pire. Parmi les salles qu’il dirige, il y a le Bataclan, que des endoctrinés ont mitraillé à la Kalachnikov un vendredi 13 novembre 2015. C’est évidemment incommensurablement différent de ce que nous vivons. Nous n’avons pas à déplorer de morts, fort heureusement. Loin de nous l’idée de vouloir comparer. Il nous reste toute de même un peu de lucidité.
Mais nous partageons en commun la même impuissance, le même sentiment d’injustice, la même rage, la même contradiction fondamentale entre les raisons pour lesquelles nous avons engagé notre vie dans ce métier et la réalité à laquelle nous devons faire face. Nous avons évoqué ces similitudes-là, et d’autres dont nous parlerons peut-être un jour. 

Nous n’avons désormais qu’une hâte : que la machine judiciaire se mette en marche. Nous voulons comprendre.

Mardi 8 décembre 2015, 20h55

Aujourd’hui, le Channel (Francis Peduzzi, directeur et Lena Pasqualini, secrétaire générale), – fort du nom des blessés qu’il a eu beaucoup de mal à se procurer -, a commencé à rendre visite aux victimes de l’accident de gradin de samedi dernier. Deux personnes à l’hôpital de Calais et une personne à l’hôpital de Boulogne. Acte nécessaire, émouvant, intense, que nous nous devions d’accomplir et que nous allons poursuivre les prochains jours. Ce que nous nous sommes dits restera entre nous. Sachez toutefois que nous avons invité chacun à porter plainte.

Au chapitre des bonnes nouvelles, nous avons appris que la personne hospitalisée à Lille devrait retrouver normalement l’usage de ses membres. Même si la convalescence sera certainement longue, nous avouons notre soulagement.

Demain, une psychologue de la médecine du travail viendra aider l’équipe à accélérer sa reconstruction. Lorsque nous écrivons « l’équipe », nous y incluons les salariés de la librairie et des Grandes tables, aussi marqués que ceux de la scène nationale. S’il fallait une preuve de plus que le Channel est un et trois à la fois, la voici.

La médecine du travail nous a fait savoir qu’elle jugeait extrêmement bénéfique et heureuse notre décision de maintenir la programmation des Chiens de Navarre en fin de semaine.

Nous avons aussi pisté les fausses informations, comme sur le site de 20 minutes.fr, par exemple. La correction a été fort heureusement effectuée. Certains se comportent comme des vautours, sans même prendre la précaution de vérifier les informations qu’ils diffusent.

Et nous continuons à recevoir beaucoup de messages de soutien et de très belles lettres. Le temps venu, nous les donnerons à lire.

Ce matin, Marion Bouclet, attachée aux relations avec le public, avait amené pains au chocolat et petits choux pour toute l’équipe. Le café avait la saveur des matins d’hiver.

Mardi 8 décembre, 8h50
Le village de Noël, initialement prévu au Channel, aura lieu au Forum Gambetta le mercredi 9 décembre 2015 de 14h à 17h.

Lundi 7 décembre 2015, 22h50
D’abord vous donner des nouvelles des blessés. Pour ce que nous en savons (il existe le secret médical, qui protège chaque patient), quatre personnes restent encore hospitalisées. Parmi elles, il y a apparemment un cas plus inquiétant, avec le transport de la personne au CHU de Lille. Victime d’un traumatisme crânien et de la fracture d’une vertèbre, le service de neurologie ne donne aucune assurance, ni dans un sens ni dans l’autre, sur une invalidité future ou pas. Nous sommes donc dans l’attente.

Par ailleurs, le personnel du Channel s’est réuni toute la journée, exercice nécessaire pour nous parler, nous réconforter, nous soigner. C’est peu de dire que nous sommes atteints par ce qui vient de se passer. Un des thèmes des échanges fut pour nous de répondre à la question : que faisons-nous. Annulons-nous les prochains rendez-vous ou pas ? L’immense majorité des présents, intermittents et équipe permanente, une trentaine de personnes, a choisi de continuer la saison et d’assurer les représentations des Chiens de Navarre, Les armoires normandes, prévues au Passager en fin de semaine. Au-delà de l’écoute de la parole de quelques spectateurs interrogés, qui nous ont tous demandé de continuer, il y a à travers cette décision la volonté de dépasser au plus vite une blessure qui restera indélébile. Ce n’est donc pas nier ou oublier ce qui s’est produit. C’est au contraire permettre à nouveau la rencontre et la discussion, entre vous et nous. C’est faire face lucidement et en toute transparence à l’événement. Outre le spectacle, qui aura peut-être un effet thérapeutique sur nos âmes meurtries, c’est également pouvoir répondre aux questions que vous vous posez peut-être.

Ainsi, après le spectacle, pour ceux qui le souhaitent, une rencontre publique est prévue. Y participera qui le souhaite. Nous avons aussi considéré que si les spectateurs se déplaçaient, c’est qu’ils avaient également envie d’un tel spectacle (dont nous rappelons à chacun l’esprit ravageur, dérangeant et déjanté), qu’ils en prenaient en toute conscience la décision. D’ailleurs, à la condition de nous prévenir avant la représentation, le billet déjà acquis de qui ne veut pas y assister sera remboursé. Personne n’est donc tenu de venir au Channel ce soir-là, même si la place a été achetée. Ne vous sentez lié par aucun engagement, personne ne vous en voudra. Nous tenons à respecter le point de vue de chacun.

La grande halle étant sous scellés, et l’enquête en étant encore à ses prémisses, il est évident que les spectacles ayant lieu dans la grande halle sont annulés. Nous pouvons donc déjà annoncer l’annulation du spectacle de Pep Bou, Bombollavà, des vendredi 18 et samedi 19 décembre prochain, et du spectacle vietnamien À Õ Làng Phõ, prévu les vendredi 8, samedi 9 et dimanche 10 janvier 2016. Les places de ces spectacles seront bien évidemment remboursées. Pour l’heure, nous nous en tiendrons là.

Enfin, sachez que nous sommes très sensibles à vos messages de sympathie. Nous ne pouvons pas malheureusement répondre dans l’instant, mais nous le ferons à un moment ou à un autre, dès que nous serons en mesure de le faire.

Nous vous remercions de votre et de vos attention(s).

Dimanche 6 décembre 2015, 18h
Article de presse, publié par La voix du Nord. Lire l’article

Dimanche 6 décembre 2015, 12h55
Quelques nouvelles…
Sept personnes sont encore hospitalisées. Nous confirmons : aucun pronostic vital engagé. Aucune personne paralysée. Une des personnes a une fracture des vertèbres. La grande halle a été placée sous scellée. L’arbre de Noël de la Caf, prévu cet après-midi, est annulé.

Dimanche 6 décembre 2015, 0h49
Quelques nouvelles après l’effondrement d’une travée de l’escalier du gradin de la grande halle du Channel.
Une première pensée tout d’abord envers les dix personnes qui sont tombées, à qui nous adressons tous nos voeux de rétablissement. Pour rassurer, car cela aurait pu être plus grave, aucun pronostic vital n’est engagé, aucune paralysie à venir. Des fractures uniquement. C’est énorme, mais, encore une fois, cela aurait pu être pire. Dire aussi que cela s’est passé à la sortie du public, après les applaudissements, avec un gradin déjà vidé au tiers. La jauge dans le gradin était inférieure à la jauge admissible. L’enquête déterminera les responsabilités et les causes. Le gradin venait d’être vérifié, et le certificat n’émettait absolument aucune réserve. Pour l’heure, nous n’avons pas d’explication. L’enquête dira. Encore un mot pour remercier le calme et l’attitude du public, qui a été exemplaire, comme toujours. Nos remerciements aussi à ceux des spectateurs, techniciens et artistes présents, qui ont aidé durant ces minutes compliquées. Nous n’oublions pas les pompiers, le SMUR et les services de police, prompts et d’une attention remarquable. Tout comme les représentants de la Ville de Calais et de son maire, ainsi que Monsieur le sous-préfet de Calais. Nous lisons de partout vos messages de soutien, nous ne pouvons répondre à chacun, mais sachez que nous vous en remercions vivement.